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30 décembre 2013 1 30 /12 /décembre /2013 09:10

Ange-Marie-Tiberi.jpg

Puesie premiate di a 19a edizione (dicembre 2013)

 

 

Categuria puesia corsa (ghjuria: Petru Leca è Jean-Marie Arrighi)

 

-          Michel  Solinas, per “I versi d’amori”

 

-          Stefanu Conca , per “Una notte incù tè”

 

-          Jean-Guy Talamoni, per “Anniversariu”

 

Categuria puesia gallurese (ghjuria Angela Antona, Franco Fresi è Piero Bardanzellu)

 

-          Gianfranco Garrucciu, per “Maistrali di meli”

 

-          Anna Maria Raga, per “Bunaccia in canali”

 

-          Maddalenina Alba Leoni, per “A misura di sgurdu”

 

 

 

Anniversariu

 

                                À Anghjulu Maria

 

 

Un annu chè tù sì pertutu,

 

Circhemu indarru a to presenza.

 

A notte hè bughja, u mare mutu.

 

Di lu Fiumorbu, la cuscenza

 

 

 

Eri tù, è, di la saetta

 

Ne fusti lu maestru altieru ;

 

È di la machja, è d’a filetta,

 

L’innamuratu più sinceru.

 

 

 

Un annu chè tù sì pertutu,

 

Eppuru, sì quì issa sera,

 

Si sguassa stu dulore acutu.

 

A to memoria bianca è nera,

 

 

 

È la to voce, è lu to visu,

 

È tutte le stonde passate…

 

Avà ‘ssu tesoru indivisu

 

Schjariscerà e nostre strade.

 

 

 

Ghjuvan Guidu Talamoni

 

Issu premiu hè dedicatu à a memoria di Anghjulu Maria è à i mio amichi Fiumurbacci.

 

 

 

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19 novembre 2013 2 19 /11 /novembre /2013 22:05
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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 21:59
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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 17:54

talamoni-litterature-et-politique-copie-1.jpg

Dans leur ensemble, les hommes politiques se distinguent par une inculture absolue. Pareille à un vice, la passion de la politique, du pouvoir, des intrigues, exerce sur eux un effet ravageur et décapant : la plupart des hommes politiques ne savent rien de ce qui relève des arts et de la littérature. Ils s’en moquent, vivent dans le présent, dans des considérations matérielles, concrètes, pragmatiques. Lettres et arts sont pour eux une terre inconnue, bizarre, voire suspecte, où ne s’aventurent que rêveurs, esprits torturés, imaginatifs, autant dire peuplée de fous. Cette inculture crasse est accentuée chez ceux des responsables politiques qui ont la charge de partis, c’est-à-dire de partisans qui, où qu’ils se situent, n’ont pas la réputation de briller, comme chantait Brassens, par le goût ou par l’esprit. On ne peut pas être à la fois partisan, honnête et intelligent, c’est une loi fatale.

Alors voir un homme politique se lancer dans un travail universitaire est un fait assez rare pour être signalé et salué. Dans ce type d’exercice, on ne peut évidemment pas se payer de slogans, de formules toutes faites, on est obligé de fouiller, creuser, observer des nuances, on doit donner raison à des personnes dont on aurait pu croire, a priori, qu’on leur donnerait tort, on doit se remettre en question, remettre en question ce que l’on est et ce que l’on sait, autant dire se mettre en danger, et se situer sur un terrain bien éloigné de celui de l’action et du militantisme politiques.

C’est ce qu’a fait Jean-Guy Talamoni, avocat, président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, qui a entrepris une thèse de doctorat sur le thème des relations entre Littérature et politique en Corse. C’est le texte de cette thèse, sous titrée « Imaginaire national, société et action publique », qui est aujourd’hui publié.

L’auteur y montre tout ce que l’on peut tirer de deux ou trois siècles de littérature, comment les secrets de l’âme corse se cachent et apparaissent où on ne les attend pas, comment esprit et conscience se sont formés par la littérature, subtil mélange de rêves et de description de la réalité, et comment cette littérature, à son tour, a formé l’imaginaire et le sentiment insulaires. Car ce sont bien les relations à double sens, entre littérature et politique, et sur la longue distance, que l’auteur met en relief, passant en revue tout ce qui s’est écrit et publié sur la Corse, et le mettant en perspective. Son travail a l’inconvénient d’une publication universitaire, il est exhaustif, équipé d’un appareil de notes très complet, etc, mais il en a les qualités, c’est-à-dire qu’il est un fabuleux outil pour ceux qui, à leur tour, voudraient non seulement se renseigner sur lui, mais approfondir le sujet des relations fertiles, et si riches, si parlantes, entre politique et littérature, en Corse.

 

Littérature et politique en Corse, par Jean-Guy Talamoni, Albiana, 472 pages, 20 €

(Proposé au mensuel "Corsica") 

 

 

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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 12:34

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Mercredi 9 octobre à 18h 30, Espace Diamant

« La pensée politique corse du Paolisme à Napoléon Bonaparte »

Dans le cadre des rencontres avec les auteurs, l’Espace Diamant accueille, mercredi 9 octobre, une conférence animée par Jean-Guy Talamoni autour de son dernier ouvrage « Littérature et politique en Corse » paru aux éditions Albiana.

 

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16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 08:45

drapeau corse

(ITV publié dans Corse-Matin du 14.VII.13)

Quel est le fil conducteur de ce livre, tiré d’une thèse de doctorat ?

Le fil conducteur c’est l’imaginaire corse, tel qu’il apparaît dans les textes littéraires. Tout autant que la recherche historique, l’art et la littérature nous renseignent sur une société et ses mécanismes culturels. Comme l’a observé Milan Kundera, les livres et les tableaux sont le miroir où se reflète, se concentre et se conserve « le mode de penser et de vivre », en somme la culture profonde d’un peuple. Il serait possible d’étudier dans le même esprit les toiles de Canniccioni ou de Frassati, ou encore, en remontant plus loin, le « baroque corse »… Personnellement, j’ai choisi la littérature.

Dans quel but ?

On pourrait le faire pour le simple plaisir de la connaissance, ce qui est déjà beaucoup. Mais en ce qui me concerne, c’est aussi  et surtout parce que je suis dans l’action politique et que cette dernière ne doit pas se laisser déconnecter du monde de la pensée, ce qui est parfois le cas. J’ai simplement tenté d’améliorer ma propre contribution aux débats : il s’agit de mieux connaître les processus à l’œuvre au sein de la société pour mieux intervenir sur ces processus.

Quelle a été la méthode ?

Pour dire les choses le plus simplement possible, j’ai pris comme base un livre mythique du XVIIIe siècle, souvent cité mais rarement lu avec attention, la « Giustificazione della Rivoluzione di Corsica ». Ecrit par Salvini, un proche de Paoli, il constitue une véritable bible de l’imaginaire national corse. J’y ai repéré les éléments de cet imaginaire puis je les ai suivis à la trace dans les textes littéraires postérieurs, jusqu’à aujourd’hui. Cet exercice m’a permis de mettre en évidence une grande stabilité des représentations, par delà les époques et les changements de langues (italien, latin, français, corse…).

Qu’avez-vous avez appris sur la société corse à travers ce travail ?

D’une façon générale, lorsque l’on cherche à sortir du cliché, de l’ethnotype, c’est-à-dire de la corsitude de bazar, quand on prend réellement en compte la complexité des choses, on ne peut que rejeter les sornettes assénées par les beaufs français de base, et parfois même par un ministre…  Ou encore les doctes propos d’universitaires « corsologues » venus de l’autre côté de la mer pour nous dire ce que nous sommes. Les moins farfelus d’entre eux ne sont généralement pas en mesure de voir les choses dans leur globalité. Par exemple, Gérard Lenclud présente à peu près convenablement les forces centrifuges générant les divisions, la « mosaïque » que peut entrainer le système dit « claniste », mais il ne voit pas qu’il y a aussi, à toutes les périodes de notre histoire, des forces centripètes qui se manifestent par des démarches d’union. Les exemples les plus fameux sont la période paolienne ou, plus récemment, l’union contre l’occupant fasciste…  Le mouvement national moderne constitue d’ailleurs une bonne illustration de ces phénomènes cycliques division-union. Or, les observateurs extérieurs procèdent souvent par réduction, plaquant une grille simple et figée sur une réalité complexe et mouvante. Sans parler des journalistes parisiens, même s’il ne faut pas généraliser.

Faut-il rejeter les intellectuels extérieurs à la Corse ?

Certainement pas ! Les échanges, voire l’expression de désaccords, sont utiles et souvent enrichissants. Je pense en particulier aux séminaires animés à l’Université de Corse par le professeur Carlo Ossola, tout à fait passionnants, ou encore à ceux d’Augustin Berque, dont le travail remarquable rejoint des problématiques prégnantes en Corse, comme le rapport entre hommes et lieux…

La société corse est-elle violente par nature ?

À ce sujet, j’ai apprécié les propos tenus par l’écrivain Marco Biancarelli dans une récente interview : toutes les sociétés sont violentes et la nôtre n’échappe pas à la règle. Nous avons actuellement à cet égard un problème massif et nous cherchons à le traiter, notamment à l’Assemblée de Corse, même si nous sommes loin d’avoir toutes les compétences nécessaires. Ce qui est inadmissible c’est qu’un ministre de passage cherche à cacher le bilan désastreux de la politique judiciaire en mettant en avant nos spécificités culturelles, voire génétiques…

D’autant que lorsque l’on regarde les choses à travers une approche délivrée des stéréotypes – c’est ce que j’ai cherché à faire dans ma thèse – on voit clairement que de nombreux éléments considérés comme des critères de « corsité » (armes, vengeance, rapport aux tribunaux, etc.) méritent d’être revisités. Je crois avoir démontré l’inanité de certaines idées véhiculées au sujet de la Corse. Or les Corses eux-mêmes finissent parfois par y croire et par s’identifier à l’image d’Epinal : le port d’arme et la vendetta comme marqueurs de  « corsité », par exemple… Si l’on admet que la vérité de l’âme humaine se trouve dans la littérature d’un peuple, il est important de constater que la nôtre ne va pas dans le sens de la doxa.  Je ne parle pas ici de « Colomba » mais de la littérature authentiquement corse.

Et sur le plan de l’idéologie politique ?

À cet égard, l’étude des textes est édifiante et a des prolongements jusqu’à nos jours. On sait que la politique française a largement été structurée par la Révolution française, et qu’elle l’est encore aujourd’hui. De la même façon, la politique corse demeure en grande partie structurée par la Révolution corse. Outre le tiers de l’électorat qui vote pour les nationalistes, lesquels se réclament explicitement du paolisme, les autres sensibilités n’y sont pas indifférentes. D’autant que les idées nationalistes ont largement pénétré la société corse y compris les formations de droite et de gauche dites « traditionnelles ».

Ces deux révolutions portent-elles des idées si différentes ?

Déjà Hannah Arendt s’était livrée à une comparaison entre Révolution française et Révolution américaine. Elle observait que la Révolution française avait eu comme mot d’ordre essentiel « égalité », qu’elle s’était fondée sur des abstractions comme la « volonté générale » et qu’elle avait consommé une rupture totale avec la tradition, notamment religieuse, la fameuse politique de la « table rase »… En revanche, la Révolution américaine s’est faite autour du mot d’ordre de « liberté », elle a voulu réaliser des équilibres politiques plutôt que privilégier des notions abstraites, enfin elle n’a consommé aucune rupture avec la tradition.  Eh bien, on se rend compte que ces observations peuvent être très exactement transposées à la comparaison entre Révolution française et Révolution corse, cette dernière étant plus proche de la Révolution américaine à maints égards.

Les abstractions…

La Corse baignait intellectuellement dans les Lumières italiennes, très différentes des françaises. Paoli a reçu son éducation à Naples où il a été l’élève de Genovesi, lui-même disciple de Giambattista Vico. Ici, la généalogie des idées philosophiques et politiques est très instructive, et il faut lire ces auteurs : ils se méfient des abstractions et n’entendent pas consommer une rupture avec la tradition. Par ailleurs, la pensée italienne est marquée par le réalisme machiavélien, dont on trouve l’empreinte chez Paoli, mais également chez Napoléon.

Mais Paoli a été en relation avec Rousseau…

C’était surtout « de la com » comme on dirait aujourd’hui : montrer qu’une telle célébrité soutenait la démarche nationale corse. Bien entendu, le projet de Constitution de Rousseau n’avait aucunement vocation à être appliqué dans la pratique ! On voit d’ailleurs que dans la réalité le volet éducatif, si important dans l’action politique paolienne, fut très éloigné de l’« Emile » de Rousseau, et plus encore de son « Discours sur les sciences et les arts » dans lequel il prétendait que ces derniers corrompent l’homme. Genovesi, le maître de Paoli, avait d’ailleurs réfuté la thèse de Rousseau dans ses « Lettres académiques sur la question de savoir si les ignorants sont plus heureux que les savants » ! Paoli était évidemment du côté de Genovesi : pour lui l’éducation constituait la condition de l’émancipation individuelle et collective. Son action politique en témoigne.

Mais pour en revenir à la notion d’égalité, Paoli l’a mise en avant…

Bien sûr puisque son projet était républicain. Mais il n’en a jamais fait le mot d’ordre principal. Dans le livre majeur de son généralat, la « Giustificazione », c’est bien la liberté qui est à l’honneur. Le mot « libertà » revient plusieurs dizaines de fois ! C’est la raison pour laquelle je trouve discutable d’avoir placé sous la statue de Paoli, qui vient d’être inaugurée à Ajaccio, une citation, certes authentique mais peut significative, relative à l’idée d’égalité. Car le maître mot de la Révolution corse est le même que celui qu’adopteront ensuite les Américains : « liberté ». Toutefois, mis à part le choix de cette citation, il faut saluer l’installation d’une statue de Paoli dans la « cité impériale ». Au moment où les élus corses cherchent ensemble les voies de l’avenir et de la réconciliation, l’association symbolique de ces deux figures majeures de notre imaginaire national me paraît une bonne chose.

http://www.albiana.fr/Essais-et-revues-litteraires/Litterature-et-politique-en-Corse-br/-Imaginaire-national-societe-et-action-publique.html

 

 

 

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 13:53
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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 16:23

Par Robert Colonna d’Istria

Au milieu de ses activités politiques, Jean-Guy Talamoni a trouvé le temps de mettre en lumière ce qu’il y a de mieux dans la littérature corse. Les choix de son anthologie bilingue, qui ne recoupent pas toujours ses choix politiques, font la part belle à des textes savoureux, qui expriment des sentiments élevés.

Comme autrefois Georges Pompidou, aspirant aux plus hautes fonctions dans l’Etat, avait publié une Anthologie de la poésie française, Jean-Guy Talamoni publie une Anthologie bilingue de la littérature corse. Il a réuni une quinzaine d’auteurs, schématiquement contemporains, puisque tous à peu près nés dans la deuxième moitié du XIXe siècle et actifs dans la première moitié du siècle suivant. Cette période n’est pas innocente. C’est à ce moment-là que le corse a commencé à être écrit, donc codifié, et beaucoup des auteurs réunis dans cette anthologie se sont donné la mission d’illustrer le corse pour en défendre l’existence. Le projet de ces pionniers amis du corse était double : d’une part séparer le parler de l’île du toscan, c’est-à-dire de l’italien, d’autre part le stabiliser afin de le préserver, car déjà à cette époque il semblait en péril, notamment menacé par l’envahissant français, qui bénéficiait d’un enseignement obligatoire et du prestige d’être ce qu’on pourrait appeler la « langue de la promotion sociale ». Ces précurseurs n’eurent pas la tâche facile. La transcription écrite d’une langue seulement parlée pose au moins deux types de problèmes : celui de savoir comment noter exactement les sons tels qu’ils se prononcent (les fameuses triphtongues qui ont fait leur apparition dans le corse écrit et qui en rendent la lecture si incommode ne sont que le résultat du souci de transcrire méthodiquement les choses telles qu’elles se disent, parfois au mépris des origines étymologiques…), et celui de savoir comment prendre en compte les variations dialectales de la langue qui, jusqu’alors n’était que parlée. Sur le plan théorique, ces problèmes n’ont pas de solution claire et évidente ; ils peuvent donner lieu à d’interminables querelles de chapelles. Pour les résoudre harmonieusement, il n’y avait qu’une issue : la pratique. Les auteurs réunis par Talamoni ont tous ce point commun d’avoir illustré la langue corse pour la défendre.

Leurs textes, et beaucoup de ce qui s’est écrit corse, sont frappés d’une apparence paradoxale. C’est à la fois extrêmement novateur – car, il s’agit d’une langue neuve, vierge et vivace, qui permet toutes les audaces -, et volontiers mélancolique : le passé, dans ce qui est écrit en corse, n’est jamais loin, surtout quand il s’agit d’aspects du passé irréparablement enfuis. Comme l’île elle-même, le corse est un refuge. Il aide à lutter contre l’inévitable corruption de toute chose, contre l’usure du temps…

La deuxième observation qu’inspirent les textes réunis est qu’il n’y a pas de corse sans amour. Employer le corse, a fortiori l’écrire, c’est un acte d’amour. On déclare sa flamme à une terre, à l’âme de l’île, à ce mélange subtil d’un corps et d’un esprit qu’on appelle la Corse. Amour impossible. Amour déçu. Amour passionné, comblé, radieux. Amour pleurnichard, niais, héroïque, simplement affectueux… Toutes les formes possibles de l’amour donnent lieu à autant de genres littéraires.

Les choix de l’auteur sont évidemment discutables – il y a en particulier des manques très sensibles d’auteurs sudistes, comme Monseigneur de La Foata, le charmant Carulu Giovoni, ou le très solide Jean Natali, auteur de belles poésies et d’une stimulante étude sur « la poésie dialectale primitive du peuple corse » -, mais il est clair qu’une anthologie, par définition, ne saurait être exhaustive, et tout choix relève d’un parti pris. En l’occurrence, au demeurant, les choix sont relativement simplifiés, car les auteurs écrivant en corse n’ont jamais été si nombreux ; en présenter une anthologie, c’est forcément retomber sur ceux qu’avaient déjà mis en lumière Hyacinthe Yvia-Croce ou Mathieu Ceccaldi, auteurs, l’un et l’autre, de sommes sur la question.

La vie de plusieurs des auteurs sélectionnés laisse penser que l’emploi du corse est subordonné à des choix politiques. Chez beaucoup, écrire en corse n’apparaît pas comme un fait naturel, mais comme la défense d’un projet qui n’a rien à voir avec la langue. Parler corse, ce serait détester la France, ou nier tous les traits par lesquels la Corse adhère à cette francité ? Ce serait trop simple. Mais il n’est pas douteux que beaucoup d’auteurs réunis par Talamoni avaient le projet, défendant le corse, de servir le projet autonomiste, nationaliste, voire indépendantiste, et que beaucoup des auteurs choisis ont flirté avec l’idée d’une corse italienne et fasciste. Cette identité entre projet linguistique et projet politique a-t-elle rendu service au corse lui-même ? Du point de vue de la langue – et de la littérature -, ces interrogations n’ont pas grand intérêt. On se moque de savoir quel était le projet politique de Corneille ou de Racine, ce qu’ils « pensaient », leurs « idées » : seules comptent leurs productions littéraires.

La plupart des textes réunis par Talamoni – et traduits en français, ce qui est un signe des temps… – sont savoureux et montrent, non seulement sur le plan littéraire, mais aussi sur celui des sentiments et d’une manière d’être, ce que la Corse a produit de meilleur.

Antulugia bilingua di a literatura corsa/Anthologie bilingue de la littérature corse, par Jean-Guy Talamoni, avec une préface de Marie-Jean Vinciguerra, DCL éditions, 244 pages, 20€

Robert Colonna d’Istria


Copyright Corsica

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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 16:14

« Défendre la langue et la littérature corse, c’est défendre ce que nous sommes »


Jean-Guy Talamoni, vous venez de publier une anthologie bilingue de la littérature corse,  en présentant seize écrivains de la fin du XIXe siècle à la moitié du XXe siècle. En quoi ces auteurs sont-ils représentatifs de ce que vous appelez « u primu Riacquistu » ?

 

 


Dans cette entreprise, il a fallu procéder à des choix. J’ai, pour ce premier tome, voulu offrir au lecteur non initié une « porte d’entrée » dans notre littérature. Le premier choix a été celui de la période : j’ai décidé de traiter celle qui va de la fin du XIXe à la seconde guerre mondiale et que j’ai appelée « le premier Riacquistu ». Il s’agit d’une période très féconde et où les genres littéraires sont extrêmement diversifiés. Le second choix a été celui des auteurs et des textes. Compte tenu de mon objectif, il fallait chercher à rendre compte de cette grande diversité que j’évoquais à l’instant : poésie lyrique ou épique, théâtre, roman, sans parler de la littérature politique qui est un genre littéraire à part entière et que Santu Casanova a créé en langue corse, au seuil de ce primu Riacquistu. J’ai par ailleurs eu la chance de disposer d’un grand nombre d’inédits dont j’ai publié ce qui étaient, à mon sens, les plus remarquables.

Selon vous quelles sont les raisons et les contextes qui les amènent à rompre avec « la lingua del sì » ?

 

Là encore, c’est Santu Casanova qui a donné le signal de départ en demandant publiquement aux collaborateurs de son journal, A Tramuntana, de ne plus lui envoyer de textes en italien, expliquant que la langue de la Corse était le corse. Cela peut paraître anodin à notre époque, mais au XIXe siècle il s’agissait d’une position révolutionnaire. N’oublions pas que Pasquale Paoli lui-même considérait que la langue de la nation était l’italien, et que, bien plus tard, un patriote corse comme Salvatore Viale pensait la même chose : si le corse était utilisé dans son Serinatu di Scappinu, c’était en tant qu’italien populaire, bon pour écrire des « bagatelles », pour reprendre le mot de Mgr de la Foata… D’ailleurs, ce dernier ne publiera pas lui-même sa « poesia giocosa » en langue corse, alors qu’elle était de grande qualité. Avant Santu Casanova, le corse n’était pas placé, par les intellectuels corses eux-mêmes, sur un plan d’égale dignité par rapport à l’italien et au français. Ce que l’on observe avec ce « premier Riacquistu », c’est une démarche ayant à la fois une dimension linguistique et littéraire, mais également une dimension politique. Il s’agit de sauver une identité nationale et, pour la première fois, la langue est considérée comme un élément majeur de cette identité. 


Souvent, qui dit anthologie dit choix. A ce titre, la sélection de ces poètes et prosateurs a-t-elle été difficile ? Vous a-t-on demandé pourquoi certains auteurs, comme Carulu Giovoni, Simonu Poli, Tumasgiu Pasquale Peretti et d'autres, n'y figuraient pas ?

 

Toute anthologie donne lieu à des questions de ce genre. J’ai, pour ma part, essayé de donner à travers cette « porte d’entrée » un aperçu général d’une période très importante, mais il faudra ensuite traiter d’autres auteurs de cette époque ainsi que des auteurs d’autres périodes. Je n’ai pas voulu suivre un ordre chronologique. J’ai préféré aller directement au cœur de la question. Le prochain tome permettra d’approfondir cette question (autres auteurs du primu Riacquistu) et de l’élargir dans le temps (précurseurs, comme Guglielmi ou Mgr de la Foata, ou continuateurs, comme Gregale)…

Votre ouvrage est une ode à la culture corse, et, est-elle, quelque part, « politiquement », une réponse culturelle à ceux qui affirment que la langue corse est un simple idiome oral sans génie créateur ?

 

Beaucoup d’inepties ont été dites et écrites à ce sujet, et pas seulement par des étrangers à la Corse. Souvenez-vous des propos provocateurs d’Angelo Rinaldi affirmant que les Corses partageaient uniquement… une même façon de siffler les chèvres ! Mêmes des Corses qui ne renient pas leurs origines peuvent tenir des propos surprenants.  Jean-Claude Casanova écrivait en 2001 dans Le Figaro qu’« il n’existe pas de littérature en Corse, sauf des poésies et des chansons ». Le plus étrange était que la tonalité de son article était loin d’être hostile à la langue. Sans doute, malgré son indiscutable culture et son attachement à la Corse, Monsieur Casanova n’avait-il jamais lu « Pesciu anguilla » de Dalzeto ou « Flumen Dei » de Filippini… J’observe par ailleurs que cette phrase jette aux oubliettes toute la littérature orale, si chère au cœur de chaque peuple. Sans compter la poésie, que l’on semble traiter par le dédain (« …sauf des poésies »). S’il ne restait de la somptueuse littérature française que les vers de Villon, de René Char ou de Valéry, les tiendrait-on pour quantité négligeable ? Ce que je veux montrer à travers cet exemple, c’est que la littérature corse est ignorée des Corses eux-mêmes, et pas seulement des plus ignorants.

Envisagez-vous un jour d'établir, à l'instar d'Yvia-Croce ou de Ceccaldi, une anthologie plus large allant de nos écrivains précurseurs à nos auteurs modernes ?

 

Ma démarche est un peu différente de celle des ouvrages que vous citez, car elle s’adresse à un public plus étendu. Bien sûr, plusieurs tomes seront nécessaires. Le second est en cours de rédaction. J’envisage de traiter plus tard les auteurs du « second Riacquistu », à savoir ceux des années 70 et suivantes, ainsi que les auteurs contemporains.    

St'ultimi tempi, avete dettu, à u corsu d'una emissione à RCFM, chì di i vostri cinque libri  nant'à a pulitica è a linguistica, quelli chì cuntavanu u più ghjeranu quelli scritti nant'à cultura. Spiecateci u vostru parè, è, al di là, chì ripresente, per voi, è per tutti i Corsi, a quistione di a lingua è di a cultura per u so estru ?

 

Hè vera. I trè libri chì aghju scrittu nantu à a lingua sò per mè assai impurtanti. Pensu chì a lingua deve esse u core di a dimarchja naziunale. A lingua porta i valori di u populu, hè u santuariu di l’identità nostra. « Morta a lingua, mortu u populu » ùn hè solu un pruverbiu. Hè una minaccia spaventosa… Di difende a lingua è a literatura, ghjè difende ciò chè no simu. Ma ùn ci vole à fà la di modu passeistu. Entre in u mondu oghjincu incù a nostra cultura  ci impone di mette in ballu un terzu « Riacquistu ».

 

 

(Propos recueillis par Battì Lucciardi)

 

 

« Anthologie bilingue de la littérature corse », DCL, Aiacciu.
 

Edition standard : 20 euros.

Edition de luxe, numérotée de 1 à 100 : 59 euros

(en librairie ou par commande, frais de port compris, à : DCL Editions, Z.I. du Vaziu – BP 903, 20 700 Aiacciu. Tél. : 04 95 22 53 53).

 

 

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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 16:10

Le « Dictionnaire commenté des expressions corses » de Jean-Guy Talamoni a été traduit et publié à Barcelone en langue catalane. Edité dans l’île en 2004 (éditions DCL), l’ouvrage avait reçu le « Prix du livre corse 2005 ». Il s’agissait au départ d’un travail universitaire soutenu à Corte en 1986, mais il avait été profondément remanié pour être facilement accessible au grand public.

Le corpus initial avait été recueilli dans un cadre familial s’enracinant dans le village de A Petra di Verde. On trouve cependant, dans la version définitive, des expressions émanant de l’ensemble de l’île, des illustrations, littéraires et autres, ainsi que des comparaisons effectuées avec les locutions en usage dans toute la Méditerranée (Sardaigne, Sicile, Toscane, Ligurie, Provence, Languedoc, Maghreb, Catalogne, etc.) Cette étude ethnolinguistique méditerranéenne, préfacée par Ghjacumu Thiers et présentée par Marie-Jean Vinciguerra, a tout particulièrement intéressé les Catalans, qui entretiennent avec la Corse des relations de plus en plus étroites.

Traduit et publié par les éditions « Llibres de l’index » de Barcelone sous le titre « Diccionari d’expressions corses comentades », ce livre a été présenté dans la capitale catalane, ainsi que dans la ville de Girona, en présence de représentants des municipalités et du gouvernement catalan.      

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Présentation

  • : Jean-Guy Talamoni
  • : Jean-Guy Talamoni est avocat. Président de l'Assemblée de Corse, il a publié deux ouvrages politiques, "Ce que nous sommes" (Ramsay/DCL, 2001) et "Libertà" (2004), ainsi que trois livres sur la langue corse.
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