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Jean-Guy Talamoni est avocat. Président de l'Assemblée de Corse, il a publié deux ouvrages politiques, "Ce que nous sommes" (Ramsay/DCL, 2001) et "Libertà" (2004), ainsi que trois livres sur la langue corse.

À propos de la France…

À propos de la France…

Suite aux déclarations hystériques émanant de la prétendue « élite » politique et médiatique parisienne au sujet de la gallophobie supposée de Jean-Guy Talamoni, cet extrait de son ouvrage « Ce que nous sommes », édité en 2002 par les éditions Ramsay…

« Si je ne peux partager "Le bonheur d'être français", titre d'un ouvrage de Christine Clerc, je le comprends fort bien, ayant effectué moi-même ce tour de France qu'elle décrit avec délectation. J'ai, moi aussi, apprécié les paysages, les femmes et les hommes que j'ai rencontrés en ces occasions. À la différence de l'auteur, je ne pouvais me sentir chez moi, mais je ne me sentais pas non plus totalement étranger, car ce sentiment ne m'habite jamais lorsque je voyage en Europe, que ce soit en Belgique, en Italie ou en Catalogne, traversant les montagnes du canton de Vaud ou déambulant sur les Ramblas... J'ai aimé tout particulièrement le Sud-ouest, pour la mentalité de ses habitants, la Provence, pour les Provençaux mais également pour les paysages de Cézanne. J'ai aimé Marseille, que beaucoup de Français détestent... J'ai également aimé le Nord-est, au charme pourtant peu apparent pour un Méditerranéen, ces endroits dont le nom "se termine par ange", comme dit Bernard Lavilliers. Mais à vrai dire, je les ai aimés davantage pour les gens que j'y ai rencontrés que pour la qualité de leurs sites. J'ai aimé Rouen, Lyon, mais j'aime surtout Paris où je me rends fréquemment. Non, je ne me sens pas vraiment étranger lorsque je me promène place Saint-Michel. Je ne me sens pas non plus chez moi, mais cela ne m'empêche aucunement d'apprécier ces moments.

Mais la France, c'est aussi pour nous cette langue et cette culture que nous partageons et qui fait également partie de ce que nous sommes aujourd'hui, cette francophonie à laquelle nous participons, ces auteurs que nous avons appris et que nos enfants apprendront également, en même temps qu'ils apprendront la littérature insulaire. La France, c'est cette langue subtile que les Corses ont intégrée et qu'ils aiment. Celle de Voltaire et d'Apollinaire, mais également des auteurs contemporains. Je souffre toujours lorsque je l'entends malmenée par un journaliste, mais encore davantage lorsqu'il s'agit d'un artiste. Comment ceux qui élaborent ces spectacles de variétés souvent remarquables au plan musical ne comprennent-ils pas que des textes patauds dévaluent leur travail ? Je demeure étonné de la différence de niveau existant souvent entre, d'une part des musiques et des arrangements de qualité, et d'autre part des paroles éloignées de toute poésie, et parfois même d'une syntaxe simplement correcte. Pourquoi gâche-t-on des œuvres susceptibles de faire naître l'émotion par un usage de la langue française aussi approximatif, voire un tantinet stupide ? Je n'insisterai pas, de crainte de passer pour un grincheux - ce que je ne crois pas être - ou un donneur de leçons, ne me reconnaissant aucunement le droit de jouer ce rôle. Mais personnellement, si j'avais le talent nécessaire pour composer les mélodies que l'on entend parfois à la radio, je trouverais quelqu'un pour écrire des paroles d'une qualité équivalente. Pourquoi bâcler en cinq minutes quelques médiocres alexandrins, à l'aide d'un abrégé du dictionnaire des rimes ?

La France c'est aussi une contribution déterminante à l'histoire des idées. Ce furent ces hommes courageux qui remirent progressivement en cause l'absolutisme royal, de Fénelon à Diderot. Ce fut ce simple Sous-Secrétaire d'Etat à la Marine qui, un jour d'avril 1848, obtint l'abolition de l'esclavage. Ce furent plus tard ces résistants, qui pensèrent en hommes d'action, qui se levèrent contre l'occupant en rêvant d'une société plus juste. Ce furent ceux qui dirent non, et qui mirent leurs actes en conformité avec leurs paroles. Ce furent encore ces constructeurs de l'Europe, au premier rang desquels Jean Monet. Bien sûr, il y eut aussi d'illustres imbéciles, des collaborateurs et des traîtres, comme au sein de toutes les communautés. Dans les poubelles de l'histoire, il y a quelques Français. Et il y a aussi des Corses. Mais pas suffisamment pour que les membres de l'un ou l'autre de ces deux peuples aient honte de ce qu'ils sont.

Il n'est, à notre avis, ni utile ni raisonnable de chercher à quantifier le bien et le mal que les Français et les Corses ont pu se faire depuis 250 ans. En premier lieu, parce que les notions de bien et de mal ne peuvent être appliquées indistinctement à l'agressé et à son agresseur. Surtout lorsqu'à l'injustice de la situation s'ajoute la disproportion des forces en présence. En second lieu, en raison des difficultés d'appréciation que l'on peut rencontrer. Exemple: la Corse a donné Napoléon Bonaparte à la France : cette opération s'inscrit-elle au crédit ou au débit ? Faut-il voir en ce personnage complexe celui qui conduisit la glorieuse campagne d'Italie ou celui qui bâillonna la presse? Faut-il se souvenir d'un tyran sanguinaire ou du créateur d'institutions françaises encore actuelles ? Comme nous le voyons, l'inventaire serait complexe à effectuer. Evoquons donc, une fois encore, ce qu'il y eut de moins controversé dans notre histoire commune, et qui servira probablement de base aux relations futures entre la Corse et l'hexagone, quelle que soit l'évolution institutionnelle que connaîtrons dans les années à venir. Nous tenons de la France la langue française et cette dernière doit à la Corse certaines de ses plus belles pages: les plaidoiries de Vincent de Moro Giafferi, les vers de Paul Valéry... Ne trouvez-vous pas que les quelques mots qui suivent valent mieux que toutes les conquêtes napoléoniennes, le Code civil, la légion d'honneur et la Banque de France?

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,

Entre les pins palpite, entre les tombes ;

Midi le juste y compose de feux

La mer, la mer, toujours recommencée !

Ô récompense après une pensée

Qu'un long regard sur le calme des dieux ! »

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G
d'apres les résultats des élections législatives la Corse s'oriente vers l'indépendance, comme la Catalogne et bien d'autres régions en Europe;le sentiment de ne plus partager le meme destin est inhérent à la perte de souveraineté que l'Europe a entrainé.J'ai toujours été bien accueilli en Corse et c'est avec tristesse que je vois s'éloigner ces compatriotes qui ont tant apportés à la France!
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A
J'ai entendu M.TALAMONI dire qu'une "majorité massive" a voté nationaliste.<br /> Il y a en effet 22,99 % des inscrits qui ont voté pour la "nation corse".<br /> Massive la majorité ???
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C
En réponse à François P et ANNET... Il est dommage de constater qu'en ce beau pays dont vous parlez " la France ", il y est autant d'illettrisme. Mais je constate à mon grand regret vôtre rattachement à cette infime catégorie. Il serait bon que vous lisiez " ces iles que l'on dit françaises : a partir des actes du colloque international de Lyon / travaux et publication coordonnes et préparés par Dominique Ghisoni, Wassissi Iopue, Camille Rabin ; préface de J.M. Tjibaou "... Mais de là à penser que la Corse n'est pas une colonie comme vous le dite si bien cher Fançois, avant de parler d'un sujet il faut le maitriser et éviter les réductions et amalgames médiatiques et politiques... Quant à ce vaste monde susceptible d'accueillir Mr Talamoni, je présume que vous ne l'avez vu qu'au travers de reportages télévisuels mais également en cars touristiques, le pire des fléaux en ici bas... Il est triste d'entendre autant de propos racistes envers Monsieur Jean Guy Talamoni. Je souhaiterais croire que de vôtre part étant mal renseigner sur le sujet qu'est le " problème Corse " comme le disent si bien les médiats parisiens, qui pose en vôtre esprit confus un véritable problème. Concernant la Nationalité de Mr J.G Talamoni, Nous pensons vous et moi la même chose, et la Corse est un tout petit pays qui regroupe à lui seul cinq continents et cela a été constaté par des personnalités tel que Mr Nicolas Hulot, Yves Duteil, M druker, et j'en passe, mais toutes ces personnes ont parcourues le mode et constates et affirmes cette nationalité Corse comme le disait Mr Voltaire et bien d'autres de part le monde au travers des nations autre que la France. Ne vous forcez pas à vous déplacer jusqu' à nôtre beau pays qu'est la Corse.. continuez à la voir à la télé, cela vous évitera bien des désagréments... et un surcroit de délestage financier pour François P.. Ps concernant la " majorité massive " dont parle ANNET, permet moi de te tutoyer car étant Française " je pense " le tutoiement citoyen est obligatoire, donc citoyenne ANNET, puisque ton problème concerne les votes nationalistes en Corses, il suffit de regarder les votes sur le territoire Français pour comprendre dans quelle fumisterie le peuple de France se trouve. C'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité.... Mais avant de répondre comme deux ignorants, relisez plusieurs fois ce qu'a dit ou écrit Monsieur Talamoni et vous y trouverez certainement moins de haine envers la France et sont peuple que vous ne lui en avez exprimés.. sur ce, petites gens, le peuple Corse apprécie vôtre reconnaissance envers nôtre nation car ne l'oubliez il n'a fallu qu'un seul Corse pour diriger la France et une majeure partie de ses lois qui vous régissent. Imaginez un peu trois cent vingt mille Corses... Et je n'ose vous parler d'un des fondateur des droits de l'homme Pasquale Paoli, tiens un Corse!... encore... <br /> Ne cherchez pas à plaire à vos maîtres en crachant et vomissant des aberrations sur les nations voisines simplement parce que l'histoire vous a été tronquée , ils ne vous aimeront jamais. Mais si vous n'en avez pas la carrure, ne cherchez pas à vous faire plus grand que vous ne le serez jamais, Mr de la Fontaine si cela vous dit quelque chose, en a écrit tant et plus à ce sujet...
F
"En votant pour les nationalistes, le peuple corse a dit que la Corse n'était pas un morceau d'un autre pays mais une nation, avec sa langue, sa culture, sa tradition politique, sa manière d'être au monde."<br /> Que dire d'autre ?<br /> Comment ne pas être d'accord avec cela ?<br /> Moi, le Martiniquais, qui ne se sent pas Français, ne se ressent pas Français, n'est tout simplement pas Français bien qu'il possède cette nationalité depuis la naissance; je n'ai eu aucun mal à saisir la pertinence et la force de vérité de votre discours.<br /> Comme dit le proverbe : "Bien faire et laisser braire !"<br /> Ignorez les critiques et continuez votre combat Mr Talamoni, pour qu'un jour les Corses puissent vivre dans une Corse libre !
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A
Mr Concy, non mais sans rire, puisque françois a décidé que vous étiez l'habitant d'une île française, que vous étiez pleinement français, il faut le croire sur parole puisqu'il en a décidé ainsi... Nul besoin de pays pour acceuillir Mr Concy, il est chez lui en Martinique, pourquoi partir? Pourquoi être obligé de vénérer la France... Le droit à l'autodetermination existe, reconnu par l'ONu même si il est très souvent bafoué même par des états soi disant démocratiques comme la France... C'est pas aux français de décider si les corses, les antillais, les basques, les bretons doivent obligatoirement être français et chaque peuple devrait être libre d'en décider...C'est vrai qu'avec votre mentalité jacobine à la c.. c'est difficile... Etre autonome, indépendant, c'est pas être anti français, c'est être libre, en tous cas d'en décider librement... A vous de respecter le résultat des urnes et la Martinique a choisi d'élire un candidat " regionaliste", c'est le choix du peuple martiniquais, ça s'appelle la démocratie que de respecter cela...<br /> Apres que les français soient aigris, ça importe peu...
F
Cher M. Concy,<br /> <br /> Vous êtes pourtant pleinement français. Vous n'êtes en rien un peuple autochtone colonisé mais l'habitant d'une île française. Que vous ne vous sentiez pas français vous regarde. Le monde est vaste, pleins de pays pourront vous plaire et vous accueillir et vous pourrez en prendre la nationalité sans oublier de faire les démarches pour vous délester de la nationalité française qui vous gène tant.