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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 22:40
Point de vue sur l’affaire de Prunelli di Fiumorbu
Point de vue sur l’affaire de Prunelli di Fiumorbu

Le Fiumorbu serait-il devenu un pays de racistes ? Cela me paraît peu probable, connaissant bien cette région où j’ai des attaches familiales et amicales particulièrement étroites. Il m’est donc douloureux de lire des articles procédant d’une accusation injuste et globalisante, à l’endroit, du reste, de l’ensemble des Corses. Que les habituels hystériques, contempteurs de notre peuple, s’en donnent à cœur joie, me touche finalement assez peu. Le pire, c’est de lire sur les réseaux sociaux des messages de félicitations de la part de ce que la France a produit de plus repoussant : les beaufs du Front National qui, pour une fois, en oublient même d’être anti-Corses, puisqu’ils sont davantage encore anti-Arabes.

Restent les faits, et ils sont préoccupants. L’initiative de l’équipe pédagogique aurait pu être discutée par les parents d’élèves. Pourquoi pas ? Ces derniers, membres ou non d’une association, pouvaient légitimement demander un entretien aux autorités scolaires. Personnellement, je ne vois pas très bien l’inconvénient attaché à l’apprentissage de mots nouveaux… Quelle que soit la langue, il s’agit évidemment d’une richesse. Cette semaine, hasard du calendrier, un conférencier présentait à Bastia une approche de la philosophie arabe. Il a utilisé deux ou trois mots de cette langue que je m’efforcerai désormais de retenir, de conserver comme un trésor.

Il y a donc une dimension irrationnelle dans les comportements observés ces derniers jours à Prunelli. Les propos sans doute, mais surtout les inscriptions sur les murs de l’école. Qu’un enfant, un seul enfant, ait pu être blessé par ces tags est une chose qui m’est tout à fait insupportable.

Comment comprendre cela ? Je ne vois pour ma part qu’une explication : le mal-être d’un peuple qui a lui-même été maltraité, qui a dû lui aussi avoir recours à l’exil pour trouver les conditions d’une vie meilleure sur le plan matériel. Et qui, plongé à nouveau dans les difficultés, est actuellement sur le point de renouer avec un exil que les générations antérieures ont bien connu. La détresse d’une communauté humaine en train de perdre sa propre langue et ses propres valeurs. Au point de ne pas se souvenir qu’au XVIIIe siècle, le paolisme sut montrer le chemin en instaurant, le premier en Europe, la tolérance religieuse dans un Etat indépendant. Accepterons-nous de voir ce peuple, le nôtre, ravalé au rang de banlieue française, réagissant par les mêmes réflexes pavloviens que le raciste français de base ? Affaiblis, matériellement et spirituellement, accepterons-nous comme une fatalité (et une facilité) de nous en prendre à plus faibles que nous ? Ou allons-nous relever la tête ?

Aux nouveaux arrivants, sachons imposer le respect en demeurant toujours parfaitement respectables. Non par l’insulte – marque suprême de faiblesse – mais en signifiant avec assurance qu’ici, c’est à nous qu’il appartient de créer les conditions de relations fraternelles. Car nous ne sommes pas une communauté parmi d’autres mais le seul peuple de droit sur la terre de Corse. Puisons en nous la force qui nous reste – et elle est considérable – pour demeurer fermes et généreux. Et surtout, veillons à ne plus nous faire applaudir par nos ennemis.

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commentaires

S
John Lennon est une bille, soyons sérieux. Les Beatles, c'est l'autre. Premier point.<br /> "Imagine" n'est pas une chanson, c'est de la guimauve superlative. Deuxième point.<br /> Guimauve qui prêche l'uniformisation du monde, autrement dit, le rêve des néo-libéraux. Ou de leurs faire-valoir islamistes.Troisième point.<br /> On peut rêver d'un monde sans frontières, chacun son truc, mais fredonner "Imagine" et rêver d'une Corse libre, parlant corse, me paraît compliqué. Quatrième point.<br /> Quant à la terreur permanente d'être accusé de racisme, c'est un piège bien franchouillard, tendu au début des années 80 par ceux qui, précisément et concomitamment, ont tout fait pour faire monter le FN. Cinquième point.<br /> Je reconnais qu'il est injuste que la langue arabe fasse les frais de la défiance que l'islam, aujourd'hui, au moment où ici et là on décapite et on égorge, suscite à juste titre, mais IMAGINE-t-on qu'en 1944 ou 45, pour fêter la Libération, on ait fait chanter du Marlene Dietrich dans les écoles ? Aussi antinazie qu'ait pu être la jolie Marlene, sa langue natale eût été conspuée - injustement, mais sans surprise. Sixième et dernier point.
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G
Cette réaction raciste n'a rien à voir avec l'identité Corse et son histoire.C'est la méconnaissance , la peur et le mépris de l'autre. Leurs auteurs n'expriment que leur propre faiblesse . J'ai été blessée par ce comportement isolé de quelques personnes qui va permettre aux médias d'associer revendication d'identité Corse et racisme.Il est important que les corses se désolidarisent de ce type d'acte raciste.
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M
Ce serait trop simple si le racisme de quelques bofs pouvait s'expliquer par la situation du peuple corse. Sur le continent, je le rencontre tous les jours, grandissant, abject, violent, chez "monsieur tout le monde" ; au niveau de l'Europe les partis d'extrême-droite progressent à une allure foudroyante. On laisse mourir sur la mer des femmes et des enfants qui ont vécu des situations effroyables et qui sont dans une détresse absolue. Pour info, le communiqué de la FLAREP : DES ÉCOLIERS PRIVÉS DE FÊTE DE FIN D'ANNÉE ET DES ENSEIGNANTES MENACÉES PAR QUELQUES PARENTS D'ÉLÈVES SUR FOND DE RACISME ET DE XÉNOPHOBIE<br /> <br /> La FLAREP, Fédération de parents d’élèves et d’enseignants pour les Langues Régionales dans l’Enseignement Public, attachée à la pluralité des langues et des cultures au sein de l’École de la République, tient à apporter son soutien et exprimer sa solidarité la plus totale à l’équipe enseignante de l’école de Prunelli-di-Fiumorbu en Haute-Corse.
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M
Faire chanter part des enfants de plusieurs nationalités que sans les religions la vie serait plus facile , je trouve ça géantissime !
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C
Bravo très beau texte je n en attendais pas moins
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Présentation

  • : Jean-Guy Talamoni
  • : Jean-Guy Talamoni est avocat. Président de l'Assemblée de Corse, il a publié deux ouvrages politiques, "Ce que nous sommes" (Ramsay/DCL, 2001) et "Libertà" (2004), ainsi que trois livres sur la langue corse.
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