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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 20:07
drapeau corseNotre ami Francescu Maria Perfettini nous a quittés.

Membre de la rédaction de "A Nazione" depuis l'origine, il avait participé il y a quelques jours seulement à la conférence de presse de présentation de l' "Enciclopedia di a Corsica".

La rédaction s'associe à la peine de sa famille et publie ici, en forme d'hommage, un article écrit en 2005 sur l'un de ses ouvrages.  


UN ARGUMENTAIRE IMPARABLE

Cum’è u peveru : chjuculellu, ma si face sente. Ce petit ouvrage de notre ami Francescu Maria Perfettini synthétise avec précision et vigueur tout ce qui peut être répondu aux contempteurs de la Corse et à nos compatriotes qui ont été sensibles aux campagnes de dénigrement de leur propre communauté. Il dynamite (pacifiquement !) un certain nombre d’idées reçues, régulièrement assénées par Paris : « la Corse est pauvre » ; « les Corses sont violents » ; « l’insularité est un handicap » et autres âneries trop souvent entendues… Le point de départ de la démonstration est un livret édité en Belgique en 1856 et signé Jean-François Mignucci : « La Corse Libre ». Francescu Maria Perfettini nous livre in extenso ce document étonnant. La citation de John Stuart Mill placée en épigraphe donne le ton : « Quelquefois une nation est devenue libre parce que auparavant elle était riche, une autre est devenue riche parce qu’auparavant elle avait conquis la liberté. » (« Les Principes d’économie politique », 1848). À méditer ! Dans son texte, Jean-François Mignucci démontre clairement que la Corse n’est pas un pays pauvre mais un pays appauvri par la politique qui y est menée : « La Corse a beau être un pays éminemment favorisé, elle a beau offrir en abondance au génie de l’homme les matières premières de toute industrie, mines, carrières, eaux et forêts, elle a beau avoir les plus beaux ports du monde, la Corse (…) reste dans l’immobilité. » Cent quinze ans plus tard, dans son fameux rapport commandé par la DATAR, le « Hudson Institute » aboutit à la même conclusion : « Malgré la richesse réelle et le potentiel de ses ressources, la Corse se trouve confrontée avec une situation qui va en empirant et sur laquelle pèse la complexité de ses relations avec la France métropolitaine… » Autrement dit : le problème, c’est la France.

Fondant sa réflexion sur ces deux textes, l’étayant par de nombreuses autres références, Francescu Maria Perfettini se livre à une démonstration limpide sur les causes réelles de nos difficultés actuelles, sans toutefois avancer de solution, car son vœu est simplement, comme il l’écrit en conclusion de son ouvrage : « que les Corses choisissent librement avec leur cœur et leur raison mais en toute connaissance de cause. »

Ce petit livre pédagogique est à mettre entre toutes les mains. Il constitue un argumentaire simple et imparable de défense de la Corse et de ses intérêts. Ses lecteurs ne resteront plus jamais sans voix face à des inepties du genre : « È cosa manghjeremu senza a Francia, castagne ? »

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Extraits :

Les solutions proposées par le rapport du Hudson Institute :

« Il semble qu’il n’y ait que deux options :

1. – Accélérer l’érosion de l’identité culturelle corse, par exemple, en encourageant une immigration massive en provenance de la Métropole. (…)

2. – Conserver et restaurer l’identité culturelle et les traditions corses en développant le potentiel de l’île dans le contexte corse… »

Et celle de Jean-François Mignucci :

« La Corse a été libre, sous tous les rapports, au dix-huitième siècle, sous Pascal Paoli, avant même que les Etats-Unis fussent constitués en République, avant même que la France eût accompli sa glorieuse révolution. Elle peut facilement le devenir aujourd’hui que les luttes intérieures et extérieures ont cessé, que les relations de peuple à peuple, ont pris un si magnifique développement, et que par le progrès, de plus grandes garanties ont été octroyées à la liberté des individus et des nations. »

Quelques unes des observations de Francescu Maria Perfettini :

« Admirons (…) la similitude de destin de La Corse libre de J-F Mignucci et du Rapport du Hudson Institute. Tous deux constatent que la Corse est un pays potentiellement riche mais qu’une politique imbécile a rendu pauvre et qu’il est par conséquent urgent de changer les orientations. On voit bien que, établis à plus de cent ans d’intervalle, les deux documents se confortent l’un l’autre mais que, d’autre part, l’Etat français en a fait le même cas : aux oubliettes ! »

« …pour expliquer le sous-développement insulaire, on inventa le fameux concept de « handicap de l’insularité ». Remarquons que de ce prétendu handicap ni les Anglais ni les Japonais n’ont jamais trop souffert car l’insularité ne peut être handicapante que si les transports sont mal organisés et que des peuples intelligents ont même réussi à la convertir en atout. »

« À Ponte Novo aussi, comme dans toute guerre, il y eut des traîtres, des harkis et des gens opposés à Pascal Paoli, mais cela est loin de suffire à faire ajouter foi à la thèse du désir profond et séculaire des Corses à devenir Français. »

« La langue fut, et reste encore à bien des égards, la cible privilégiée car comme l’a si énergiquement exposé l’abbé Grégoire « la diversité langagière nuit gravement à la cohérence nationale et doit être combattue ». Non content de l’interdire à l’école et dans les administrations, on s’attache à la calomnier. C’était et ce serait encore un patois sans règles et sans unité. Les Corses furent touchés par l’argument à telle enseigne que l’on en trouve encore plusieurs qui soutiennent que nous ne nous comprenons pas d’une région à l’autre… »

« L’amitié des Corses envers Carthage ne leur valut aucune sympathie de la part des Romains dont la conquête de l’île se fit sans trop de bienveillance. Les insulaires résistèrent pendant 130 ans à l’armée la plus puissante du monde à qui il n’avait fallu qu’un an pour soumettre la Gaule et son inoubliable chef que l’école avait déjà proposé à notre admiration. »

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Francescu Maria Perfettini est enseignant à la retraite. Professeur d’anglais, il est également l’un des meilleurs spécialistes de la langue corse et un auteur reconnu. Il a notamment publié : « Le corse – Méthode de langue », DCL éditions, Ajaccio, 2003 ; « Le corse au-delà des idées reçues », ADECEC, Cervioni, 2003 ; ainsi que divers textes littéraires. Il écrit régulièrement dans « Arritti », « U Ribombu » et dans le « Journal de la Corse ».

Francescu Maria Perfettini, La Corse « française et républicaine », Bastia, 2005.

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Présentation

  • : Jean-Guy Talamoni
  • : Jean-Guy Talamoni est avocat. Président de l'Assemblée de Corse, il a publié deux ouvrages politiques, "Ce que nous sommes" (Ramsay/DCL, 2001) et "Libertà" (2004), ainsi que trois livres sur la langue corse.
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