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30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 09:12

drapeau corse-copie-1

(Entretien publié dans Corse-Matin, le 30.VII.14) 

Le FLNC a surpris, en annonçant une sortie progressive de la clandestinité au moment où le ministre Caseneuve semblait avoir fermé les portes à la réforme. Quelle est votre analyse ?

À mon avis, ce serait une erreur de rapprocher ces deux éléments qui ne relèvent absolument pas de la même temporalité. La visite de Caseneuve, comme celle de Madame Lebranchu qui a du reste partiellement contredit les propos du ministre de l’intérieur, sont de l’ordre du conjoncturel pour ne pas dire de l’éphémère. Je vous rappelle quand même que ce gouvernement change de position toutes les semaines sur tous les sujets. La décision du Front en revanche est de l’ordre du stratégique. Cette décision, l’organisation clandestine l’avait laissé prévoir il y a dix-huit mois. Elle explique avoir mené depuis une consultation interne… Si le Front avait dû renoncer à rendre publique cette position à cause des âneries débitées par un ministre ou un préfet, cela voudrait dire qu’il navigue à vue. Ce n’est manifestement pas le cas.

Selon vous, qu’est ce qui a motivé les clandestins ?

Il me semble qu’ils le disent clairement : le vote par l’Assemblée de Corse des point essentiels du projet nationaliste, ainsi que la majorité qui s’est dégagée autour de la réforme, tant à l’Assemblée territoriale qu’au sein de la société corse.

Mais malgré l’infléchissement opéré par Madame Lebranchu, le gouvernement demeure fermé à la coofficialité et au statut de résident…

Effectivement, et cette position est inacceptable car elle relève clairement du déni de démocratie. Comme l’a annoncé l’exécutif de Corsica Libera il y a quelques jours, nous allons à présent demander aux autres courants politiques partisans de la réforme de se mettre en ordre de bataille pour faire prévaloir les intérêts corses.

N’y a-t-il pas une contradiction pour des indépendantistes à voter pour que la Corse soit mentionnée dans la Constitution française ?

La Constitution française, même si elle est au-dessus de la loi, n’est qu’une norme juridique, destinée comme les autres à évoluer en même temps que la situation politique. Pour nous, cette mention de la Corse dans la Constitution française n’a qu’un caractère transitoire, comme d’ailleurs le titre XIII de la même Constitution qui concerne la Nouvelle-Calédonie. Je vous rappelle que ce territoire se prononcera bientôt sur son indépendance ! 

Mais pourquoi cette demande de révision constitutionnelle ? Une loi n’était-elle pas suffisante, comme pour les statuts particuliers précédents ?

Non, car les revendications qui ont récemment été votées par l’Assemblée de Corse ne peuvent être satisfaites sans révision de la Constitution, qu’il s’agisse de la coofficialité de la langue, du statut de résident, ou même du transfert à la CTC de la fiscalité du patrimoine dont le principe a été voté à l’unanimité par les élus territoriaux!

Ce transfert pourrait, selon vous, régler le problème de l’abrogation des arrêtés Miot ?

Tout à fait, car il a été prouvé qu’en jouant sur les assiettes, les abattements et les taux, nous pourrions exonérer toutes les petites et moyennes successions et engranger de surcroît des rentrées fiscales confortables pour la CTC. Bien entendu, ceci implique de taxer plus lourdement les très grosses successions, mais n’est-ce pas une mesure de justice sociale ?

Pour le reste de la fiscalité quels sont vos propositions ?

Depuis de décennies,  nous plaidons pour une « territorialisation des impositions », c’est-à-dire un transfert à la CTC du produit des impôts payés par les Corses. Pour nous, cette démarche est plus efficace et plus digne que de réclamer sans cesse des subventions en provenance de la France. Montrons ce que nous savons faire avec nos propres capacités contributives, qui sont loin d’être négligeables. Pour commencer, la CTC pourrait recevoir, au moins en partie, le produit de la TVA.

La Corse vient de connaître un nouveau conflit dans les transports maritimes. Votre solution demeure la compagnie régionale ?

Plus que jamais ! Depuis des décennies, les intérêts corses sont piétinés par le système SNCM-CGT cautionné par l’Etat français. L’étude de faisabilité d’une compagnie publique corse, dont Corsica Libera a obtenu le lancement à l’automne 2010, doit à présent s’accélérer car il s’agit désormais de la seule hypothèse praticable.

Corsica Libera a récemment évoqué la question des prisonniers ?

Effectivement. À ce sujet, la France s’est déshonorée en reniant son engagement sur le rapprochement des condamnés. Mais à présent, avec la décision qui vient d’être prise par le FLNC, la revendication essentielle devient évidemment pour nous la libération pure et simple, ainsi que l’arrêt des poursuites. Partout dans le monde, une telle mesure a toujours accompagné une sortie de crise. Aucune solution politique ne saurait advenir sans prise en compte de cette question incontournable.  

Selon vous, on s’achemine vers une autonomie de la Corse?

Plus que les mots, ce qui compte c’est le contenu : une réforme audacieuse au bénéfice de la Corse semble à présent largement consensuelle. Mais nous devons la vérité aux Corses, nous ne sommes pas autonomistes et nous n’accepterons jamais le principe de la tutelle française sur notre pays. Pour nous la réforme à venir ne sera qu’une étape, du moins si nous parvenons à convaincre les Corses de soutenir notre projet à terme, le même que celui des Catalans, que celui des Ecossais : l’indépendance pleine et entière. En Europe, pour les nations comme la nôtre, l’autonomie est un projet dépassé, un peu ringard pour tout dire… Personnellement, je préfère parler de processus de « dévolution », comme on dit en Grande-Bretagne. Cette dévolution du pouvoir constitue un processus de transfert des compétences, un processus dynamique, évolutif, pouvant conduire à terme à un référendum d’indépendance, comme en Ecosse.

L’indépendance, c’est crédible ?

C’est-même le seul moyen pour interrompre le processus de déclin culturel et moral de la Corse. Mais sur le plan économique également, cette perspective s’avérera très vite la seule solution. Nous travaillons actuellement  sur le sujet et nous publierons à l’occasion des Ghjurnate internaziunale une première partie de nos réflexions, que nous soumettrons d’ailleurs à nos amis catalans qui préparent quant à eux leur scrutin d’indépendance pour le mois de novembre.

Votre calendrier ?

Dans l’immédiat, nos efforts porterons sur le renforcement du processus de réforme voulu par une majorité d’élus de la Corse et auquel nous avons grandement contribué, en formulant des propositions précises sur les différents sujets, mais également en faisant les gestes nécessaires pour que le dialogue soit noué. À la rentrée prochaine, il faudra faire évoluer le rapport de forces entre la Corse et Paris. La bataille s’annonce rude et le camp de la Corse doit se mettre en ordre de marche. Nous avons des idées à ce sujet, dont nous réservons la primeur à nos partenaires politiques.

 

 

 

 

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Présentation

  • : Jean-Guy Talamoni
  • : Jean-Guy Talamoni est avocat. Président de l'Assemblée de Corse, il a publié deux ouvrages politiques, "Ce que nous sommes" (Ramsay/DCL, 2001) et "Libertà" (2004), ainsi que trois livres sur la langue corse.
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