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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 14:34

 

 



Bona tarda,

En nome de Corsica Nazione Indipendente, vull donar les gràcies als organitzadors d’aquesta primera Conferència Mediterrània de les Nacions sense Estat i adreçar a totes les delegacions, a tots els participants a aquesta manifestaciò, aixi com al govern català, els sentiments d’amistat del poble cors.

Après ces quelques mots dans votre langue, j’aurais voulu poursuivre en corse, mais les traducteurs actuellement à l’œuvre éprouveraient quelques difficultés ! J’utiliserai donc le français, qui est aussi une belle langue, et qui est mieux connue du service de traduction simultanée…

Je vous dirai simplement dans ma langue : bona sera à tutti i riprisententi di i populi di u Mediterraniu, prisenti à issa cunferenza !

Je vais vous parler d’un petit peuple vivant au cœur de la Méditerranée, et qui a eu une histoire agitée. Depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours, la Corse a connu de nombreux envahisseurs auxquels elle a résisté avec vigueur et opiniâtreté. C’est au troisième siècle avant notre ère que les Corses commencèrent, contre les Romains, ce que les historiens reconnaissent comme une véritable guerre d’indépendance, la première de l’histoire de l’île. (…)

Le 8 mai 1769, la défaite de Ponte Novu sonnait le glas de notre indépendance. Quelques semaines plus tard naissait Napoléon Bonaparte. À l’âge de vingt ans, alors qu’il était encore indépendantiste corse, il décrivait en ces termes la conquête française de notre pays : « Je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans des flots de sang… »  

Ainsi, le mariage entre la Corse et la France ne fut ni un mariage d’amour ni un mariage de raison, mais bien un mariage forcé.

Après s’être emparé de notre pays, la France décida de saper les deux piliers de son indépendance encore toute proche et chère au cœur des insulaires : sa culture et son économie en construction. L’éducation nationale française entreprit, méthodiquement, de déraciner la langue corse, sanctuaire de notre identité. En matière économique, Paris appliqua à la Corse, pendant une centaine d’années, une loi douanière qui consistait à taxer toutes les exportations et à détaxer toutes les importations. Il s’agissait d’un régime plus défavorable que le régime colonial lui-même. (…) Dans les années 1960, inspirés par les différents mouvements de décolonisation, de jeunes Corses décidèrent de s’attaquer à ce funeste système politique. (…) Certes, le combat national a permis une vraie prise de conscience populaire et un certain nombre d’avancées : la réouverture, dans les années 80, de notre université que la France avait fermé lors de l’annexion sauvage du XVIIIe siècle ; deux statuts institutionnels particuliers ; la préservation de notre littoral, que les spéculateurs s’apprêtaient à bétonner ; quelques mesures en faveur de notre langue… Mais le problème corse est toujours loin d’être réglé. (…)

Aujourd’hui, la situation est totalement bloquée par le tandem Sarkozy - Villepin. Nous venons d’évoquer l’état d’esprit de Monsieur Sarkozy. Celui du Premier ministre Dominique de Villepin n’est guère meilleur. Sincèrement persuadé que la France est le phare de l’humanité, il ne peut évidemment pas comprendre que des gens qui ont la chance - et l’immense honneur - de disposer de papiers d’identité français veuillent s’en défaire. Aussi, visiblement, un indépendantiste corse n’est pas réellement à ses yeux un adversaire politique, mais plutôt un malade à soigner. Lorsque nous avons eu l’occasion de le rencontrer à l’Assemblée de Corse, il n’a pas vraiment été désagréable, mais nous a observé d’un air intrigué, un peu avec la curiosité d’un entomologiste se penchant sur une espèce inconnue… Vu de Barcelone, cela peut paraître étrange, mais la classe politique et la haute administration française fourmillent de personnes sincèrement persuadées que la plus haute ambition, le rêve le plus fou de chacun des êtres humains peuplant la planète, est de devenir français. Vous comprendrez donc que dans ces conditions, il n’est pas simple d’engager le dialogue avec eux lorsque l’on est Corse et indépendantiste. Ils disent d’ailleurs « séparatiste », avec une moue horrifiée… (…)

Il y a quelques jours, l’Assemblée Générale de Corsica Nazione Indipendente a adopté une motion d’orientation politique préconisant la création d’un Etat libre, d’une République corse dans le cadre d’une Europe des peuples. Cette République aurait un fondement social fort, inspiré de nos traditions égalitaires, communautaires et de solidarité.       

Voilà donc quelles sont les aspirations des nationaux corses : construire un pays moderne et ouvert sur le monde, et le faire à partir de notre identité et de notre quête d’universel, deux choses qui ne sont pas antinomiques mais complémentaires : nous voulons être nous mêmes pour avoir quelque chose à partager avec nos voisins, et avec ceux qui, venus d’autres contrées, veulent participer à notre devenir national.

Qui peut contester que la Corse, Euskadi, le Kurdistan, la Kabylie, soient des nations ? Qui peut contester que la Catalogne soit une nation ? Il suffit de visiter les galeries d’art de Barcelone pour rencontrer des créations issues du génie national catalan, des œuvres fortement identitaires et, en même temps, touchant à l’universel. À une époque de sa vie, avant d’adhérer au nationalisme algérien, le responsable politique Ferhat Abbas avait déclaré qu’il avait cherché partout la nation algérienne, y compris dans les cimetières, et qu’il ne l’avait pas trouvée. Et bien, pour les pays représentés à cette Conférence, il n’est pas nécessaire de chercher beaucoup. À Corti comme à Barcelone, la nation se trouve à la fois dans les cimetières et dans les maternités, dans les musées, dans les bibliothèques, dans les écoles, et jusque dans l’air que nous respirons ! 

Alors, nous n’avons pas besoin de l’avis de Madrid, de Paris, de Rome, de Rabat ou d’Alger pour savoir que nous sommes des nations. Mais il faudra pourtant exiger notre reconnaissance. Il ne suffit pas d’être des nations historiques pour exercer nos droits nationaux. Seule une lutte déterminée pourra conduire à la prise en compte de notre existence et de nos intérêts collectifs. Car malheureusement, l’Europe qui se dessine n’est ni une Europe des peuples ni une Europe sociale mais, au contraire, une Europe des états constitués et de la finance. C’est la raison pour laquelle il nous faudra être unis et solidaires, pour peser sur notre propre devenir, national et européen. Aussi, les organisateurs de cette première Conférence des Nations sans état de la Méditerranée - et spécialement le gouvernement catalan - doivent être salués et remerciés pour cette initiative majeure.

J’en aurai terminé après vous avoir dit mon optimisme. Il y a en Corse un chant dont les paroles sont celles-ci : Sè no tiremu tutti inseme, forse chè un ghjornu sciapperà !, « Si nous tirons tous ensemble, peut-être qu’un jour (cette chaîne) se brisera ! ». Et bien, nous allons tirer ensemble, et nous briserons - je n’ai aucun doute à cet égard - toutes les chaînes de la dépendance !

 

Moltes gràcies.

 

 

 

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Présentation

  • : Jean-Guy Talamoni
  • : Jean-Guy Talamoni est avocat. Président de l'Assemblée de Corse, il a publié deux ouvrages politiques, "Ce que nous sommes" (Ramsay/DCL, 2001) et "Libertà" (2004), ainsi que trois livres sur la langue corse.
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